mardi 7 juillet 2020

Transmissions : la prise de puissance

Lorsque la traction mécanique a remplacé la traction animale, la prise de puissance, dont les premiers tracteurs étaient dépourvus, s'est vite avérée indispensable.  En effet, les outils tractés restaient animés par les roues porteuses. Le couple disponible à la jante, nécessaire à leur entraînement, a très rapidement atteint ses limites. Les raisons essentielles étant une masse insuffisante appliquée sur les roues, associée à un coefficient d'adhérence défavorable.


La prise de puissance a été imaginée, puis mise au point, par un constructeur Français :

« Mon tracteur a son mouvement d’avance absolument semblable à celui des autres tracteurs ou automobiles quelconques avec changement de vitesse, marche arrière, etc. ; mais, de son moteur part une transmission, légère (avec débrayage) qui, par le moyen de deux joints de cardan et d’une chaîne, donne le mouvement à l’arbre de la bielle qui, dans toutes les lieuses, est l’arbre central d’où est distribué le travail des autres organes… »
Albert Gougis 31 juillet 1907

On peut noter que pour Albert Gougis il n’est déjà aucunement question de « force » mais de « mouvement ».
 
Malgré l’intérêt évident de cette première prise de puissance totalement indépendante de l’avancement, le concept reste sans applications.  Albert Gougis, associé à Nodet abandonne la construction de tracteurs pour se consacrer à la fabrication de semoirs et de distributeurs d’engrais. L’entreprise sera par la suite rachetée par le constructeur Kuhn.

À poste fixe, c’est la « poulie de battage » qui permettait d’utiliser la puissance du moteur. Batteuses, scies circulaires… étaient entraînées par une courroie plate.

Les premières prises de puissance, reliées à un cardan, étaient dépendantes de l'embrayage d'avancement. Pour cette raison, le moteur auxiliaire est longtemps resté la solution la plus rationnelle et présentant le plus de maniabilité pour entraîner les outils tractés. Cette option s'est rapidement avérée coûteuse compte tenu de l'utilisation saisonnière de la plupart des matériels.

Toutefois, certaines machines utilisées en zone montagneuse peuvent encore être entraînées par un petit moteur auxiliaire.


La prise de puissance mécanique d’un tracteur agricole est capable de transmettre toute la puissance délivrée par le moteur. Cette particularité rend le passage au banc d’essai extrêmement simple. La puissance ne se mesure pas, elle se calcule. Le cardan permet de recueillir un régime de rotation. En appliquant un couple résistant (la force est une composante du couple) il est aisé de calculer la puissance fournie.
La confusion entre force et puissance est une erreur majeure : peut-on recueillir une puissance sur une « prise de force ! ».


Actuellement les prises de puissance ont un régime de rotation normalisé, leur fréquence de rotation est proportionnelle à celle du moteur exception faite de la prise de puissance proportionnelle à la vitesse d'avancement.

Les différentes chaînes cinématiques de la prise de puissance

La prise de puissance dépendante de la vitesse d'avancement

La prise de puissance dépendante de l'avancement est engagée au moyen d'un crabot. Le mouvement est pris sur l'arbre primaire de la boîte de vitesses de sorte que lorsqu'on débraye pour l'enclencher, le tracteur est immobilisé durant la manœuvre. Ensuite, l'avancement du tracteur ainsi que la prise de puissance sont simultanément embrayés entraînant à la fois le démarrage et l'entraînement de l'outil sous charge. Le démarrage passe alors par une phase critique pour le matériel et pour le travail réalisé.

La prise de puissance dépendante de l’avancement a très rapidement été abandonnée.
Utile pour un travail à poste fixe, elle ne permettait pas de travailler rationnellement avec des outils tractés.

En cours de travail avec du matériel de récolte les bourrages sont fréquents car le ralentissement ou l'arrêt du tracteur par débrayage provoque un arrêt instantané de l'outil surchargé.

Cette chaîne cinématique a été abandonnée car l'arrêt du tracteur provoque l'arrêt de la prise de puissance de même que l'on ne peut la débrayer sans arrêter le tracteur.

Cette prise de puissance (notamment grâce à une poulie de battage) permettait un travail sans inconvénients à poste fixe, la boîte de vitesses étant au point mort et le tracteur immobilisé.

La prise de puissance semi-indépendante de la vitesse d'avancement

Elle résout partiellement mais de façon satisfaisante les problèmes liés à l'entraînement des outils.

La prise de puissance semi-indépendante est entraînée à partir du moteur grâce à un embrayage double effet. L’indépendance des mouvements entre l'avancement et la prise de puissance est réalisée au moyen de deux arbres coaxiaux.

La première course de la pédale provoque le débrayage de l'avancement de sorte qu'en cas de surcharge de l'outil, l'arrêt de l'avancement pour engager une vitesse plus réduite, (la prise de puissance continuant à tourner), favorise le retour à des conditions de travail satisfaisantes.


L’indépendance de la prise de puissance nécessite la mise en œuvre de deux arbres coaxiaux. Chacun est relié au disque d’un embrayage dédié, dont la commande est commune à la pédale de débrayage. La première partie de la course agit sur l’avancement, la seconde sur la prise de puissance.

La prise de puissance semi-indépendante est toujours utilisée sur certains tracteurs agricoles modernes.

Le fait que l'on ne puisse pas chronologiquement débrayer la prise de puissance avant l'avancement empêche, par exemple, de la débrayer avant une manœuvre qui nécessiterait un angle de braquage supérieur à celui autorisé par un cardan en rotation.

La prise de puissance totalement indépendante de la vitesse d'avancement

L'indépendance totale de la prise de puissance par rapport à l'avancement a tout d'abord été réalisée en séparant les possibilités de commande d'un embrayage double effet de manière à le transformer en un embrayage double fonction, c'est à dire à placer en fait deux embrayages distincts sous un même couvercle.


L’utilisation de deux commandes séparées assure l’indépendance totale de la prise de puissance. La mise en œuvre d’un embrayage double fonction utilise une pédale de débrayage pour l’avancement et un levier à commande manuelle permettant d’agir progressivement lors de l’engagement de la prise de puissance.

L’évolution des technologies a consisté à séparer totalement les deux embrayages. L’embrayage d'avancement simple effet a muté vers des réalisations plus simples, plus fiables et plus performantes comme par exemple l’embrayage à diaphragme tiré ou poussé.

Le choix du type d'embrayage de prise de puissance actuellement retenu est l'embrayage multidisques humide à commande hydraulique. Débrayé au repos, la force pressante est engendrée par un piston annulaire dont l'effort développé est proportionnel à sa surface et à la pression de pilotage.

Ce type d'embrayage logé dans le carter de la transmission présente de nombreux avantages : encombrement et usure réduits, lubrification et refroidissement assurés par l'huile de la transmission, progressivité, indépendance totale.


Actuellement, l’embrayage multidisques de la prise de puissance est actionné par une électrovanne à commande proportionnelle. Un capteur de régime de rotation évalue la différence de régime entre l’arbre d’entrée et celui qui est relié au cardan. La progressivité est gérée en fonction de l’inertie de l’outil à entraîner.
Toute anomalie, induit la désactivation immédiate du processus d’embrayage.

La commande est assurée par un distributeur hydraulique. La progressivité à l'embrayage peut être obtenue en modulant la pression d'alimentation grâce à une électrovanne à commande proportionnelle.

Le couple de traînée qui s'oppose à l'arrêt complet de l'arbre (il gêne la mise en place du cardan) est annulé grâce à un frein qui peut être automatique dès que l'on débraye la prise de puissance. Pour que les outils à forte inertie (qui ne sont pas isolés du tracteur au moyen d'une roue libre) ne soient pas la cause d'une usure prématurée du frein, celui-ci peut être à commande séparée et actionné à la demande.

Compte tenu de la surface du piston et du nombre de disques, la valeur de la pression d'alimentation détermine le couple maximal transmissible. En fonction de l’outil attelé la limitation du couple est confiée au dispositif intégré au cardan ou bien à l’outil.

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